01/07/2020

A table avec...Fanny Muller, designer du projet formes de rencontre

Je sais, je sais, cette rubrique n'est pas très active et c'est dommage !
Mais je ne perds pas espoir de la rendre un peu plus dynamique au fur et à mesure !
Il faut laisser le temps au temps, dit-on...

C'est le cas de cette rencontre avec Fanny Muller, jeune designer à l'origine du projet formes de rencontre.
C'est Laurette Broll, elle-même chouette invitée de ma petite rubrique (si vous voulez relire l'article, cliquez ici !) qui m'avait parlé de Fanny. 
Les deux jeunes femmes sont en effet assez liées, des études communes avant de chacune suivre des chemins différents, s'entraidant en fonction des qualités et des facilités de chacune...

Le projet de Fanny "date" déjà un peu, il fait suite à un projet de fin d'études lui aussi en lien avec l'Alsace et notamment le moule à kougelhopf (qu'elle apprécie tout particulièrement car on y sent vraiment le geste du potier et qu'il est associé à des moments de partage joyeux dans les familles alsaciennes), et nous devions nous retrouver pour en discuter l'été dernier !

Et puis la vie a fait que...ce n'est qu'une année plus tard que nous partageons un petit moment dans mon jardin au fond des bois, autour d'une table joliment décorée d'une nappe et de quelques pièces de céramique réalisées dans le cadre du projet formes de rencontre.
J'avais choisi de réaliser pour l'occasion une recette de mon livre L'Alsace végétale, des petites tartelettes façon Linzertorte avec les délicieuses framboises qu'on peut trouver en ce moment...et en mode cru, compte tenu de ma contrainte "four cassé" des derniers jours !


Me voilà donc à chercher Fanny en bout de ligne du RER pour la conduire dans "mes" bois et passer quelques heures avec elle, avant d'aller récupérer les enfants à l'école !

Son parcours, la mise en route de son projet, sa concrétisation, ses nouveaux projets, nos terres alsaciennes (nous sommes toutes les deux nées à Colmar) et une certaine vision de l'Alsace, ce territoire que nous avons toutes les deux quitté, mais qui, quelque part, nous rattrape avec une certaine vision un peu autre qu'on cherche à y insuffler (en toute humilité !) sont parmi les thèmes que nous avons pu aborder ensemble...
Quelques photos aussi, un petit thé et la dégustation de ces douceurs crues pour un agréable moment de partage !


Fanny est designer, elle pense donc des objets, des situations, en tenant compte des gestes, des mouvements, des matières, tout cela en étroite relation avec les artisans qui vont oeuvrer avec elle à la réalisation des créations.

A la fin de ses études et suite à son projet de fin d'études, elle a pu obtenir une bourse via la chaire Idis (industrie, design et innovation sociale) créée par une école d'art de Reims (l'Esad) et soutenue par la Région Grand'Est : l'idée est de "soutenir des designers dont les méthodes changent la pratique du design, les processus de création et les modes de développement des projets... leur exercice du design ne se focalise plus seulement sur la production d'objet, mais transforme un environnement pratique, technique et social".

Les territoires du projet seront donc l'Alsace, la terre natale de Fanny (parisienne d'adoption depuis !) et plus précisément ...Soufflenheim où la jeune femme a fait quelques stages chez un couple de potiers, amis de ses parents et où elle avait également mené son premier projet (vous me suivez toujours ?) et les Vosges, pour la partie textile (les magnifiques nappes sont tissées à la Manufacture textile des Vosges, ennoblies chez Crouzevier Développement à Gérardmer et confectionnées...à Soufflenheim par La Couture de Sandrine).

Il se trouve que le projet est porté par des femmes...et que c'est un hasard !! Ce sont elles qui ont répondu favorablement à la proposition de Fanny.
A Soufflenheim, Peggy de la Poterie Wehrling, Sylvie et Kathia de la Poterie Lehmann, Marie-Ange de la Poterie Graessel, à Ferdrupt, Anne Orivel de la Manufacture Textile des Vosges, à Gérardmer, Séverine Crouvezier de Crouvezier Développement et bien sûr Fanny Muller depuis Paris et souvent sur place, ont oeuvré ensemble à la jolie table dressée dans les bois de Chevreuse en un après-midi du mois de juin 2020 !!


Les différentes actrices du projet se sont donc rencontrées pour discuter dans un premier temps, dans les ateliers des unes et des autres, puis pour commencer à créer , moment qui a eu lieu " en terrain neutre" chez un potier qui n'était pas engagé dans le projet, histoire de ne pas avantager l'une ou l'autre.
Le joli plat qui accueille une des tartelettes et les bâtonnets de cannelle a par exemple été imaginé lors de ces premiers ateliers, sous forme d'un véritable "jeté" de terre qui a donné lieu à sa forme si singulière. Elles ont ensuite bien entendu travaillé chacune de leur côté pour créer leurs propres pièces, avec leurs techniques propres.
Lors d'un passage à Soufflenheim l'été dernier, je me souviens avoir pu discuter avec certaines potières qui avaient bien apprécié ces moments d'échange, pas si courant entre les artisans de ces villages aux traditions ancestrales.

Fanny, avec son regard extérieur, son expérience de designer, a, selon moi, su insuffler une petite de touche d'Alsace un peu différente : visuellement, les pièces créées ne sont pas immédiatement connotées "Alsace", ce sont les techniques qui rattachent aux savoir-faire de la région.
De même, Fanny espère un mélange de ces pièces avec d'autres, de traditions potières tout aussi ancrées et qui pourraient très bien cohabiter avec les pièces de formes de rencontre (elle fait allusion au Portugal, au Maghreb...).
Comme elle, je partage cette liberté qui me permet de mêler les genres sur les tables que j'aime dresser : un peu de vaisselle chinée, quelques pièces de céramistes modernes, les traditionnelles poteries alsaciennes...

Sur cette table, on retrouve d'ailleurs les pièces du projet formes de rencontre, mais aussi les toutes petites assiettes d'un service très connoté "Alsace" que les puristes reconnaîtront, les petits bols de la céramiste Sarah de l'atelier And the days after, une théière offerte par mon Papa.

Fanny aime l'idée que les objets puissent aussi trouver une vraie place dans le quotidien, qu'on puisse se les approprier au fur et à mesure, leur trouver d'une fonction qui n'est pas forcément celle qu'on leur associait au départ.
La question qui lui a parfois été posée est "à quoi ça sert ?", elle espère que toutes ces jolies pièces serviront à dresser des tables joyeuses, dépareillées, un peu plus " à la bonne franquette" qu'avec le service de mariage de Mamy et Papy (qu'on peut très bien associer à la table par petites touches !).

Le projet, initié sous la forme d'une recherche, a finalement trouvé une sorte de débouché commercial qui a permis de réaliser un peu plus de pièces. 
Grâce à une campagne de financement participatif et une prévente des pièces, les céramiques et les textiles ont pu être produits et achetés.
On les trouve encore dans certaines des poteries alsaciennes.
Si vous souhaitez en savoir (encore !) plus sur le projet, n'hésitez pas à écouter la conférence donnée par Fanny à la maison du Kochersberg à Truchtersheim.


Merci encore à toi Fanny, pour ce moment d'échange et de partage entre deux Alsaciennes attachées à leur terre d'origine, mais qui n'y vivent plus et qui quelque part, chacune à leur manière, apporte quelque chose d'elle-même à cette Alsace très traditionnelle.

Quelque chose qui peut interpeller, parce que cela sort de l'imaginaire qu'on peut avoir de l'Alsace : ma choucroute sans les saucisses restera sans doute un mystère que ne souhaiteront pas élucider de nombreux Alsaciens, de même certaines des créations de Fanny ne trouveront peut-être pas un public délirant - je persiste à penser que le grand plat à la forme très originale serait parfait pour accueillir les asperges, Fanny pensait même y mettre en scène une cascade de charcuterie ! - mais je trouve vraiment très chouette cette volonté de réinventer des traditions, des savoir-faire, des recettes, tout en ayant un profond respect pour les "versions originales" !

Je souhaite à Fanny plein de bonnes choses pour ses nombreux projets à venir, vivre, c'est être en mouvement et chacune à notre manière, nous semblons avoir besoin de l'être...
Où nous mènera ce mouvement, on verra bien (mon premier mouvement a consisté à enfourcher mon vélo et à rouler à la vitesse du vent pour arriver à l'heure à l'école et reprendre le quotidien que je trouve si important de vivre auprès des miens !)...



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