02/09/2018

Le petit billet boulangé #24: c'est l'histoire d'un pain...

... on était alors encore à Oslo, je ne donnais pas cher de sa croûte, et pourtant... voici son histoire.


Tout commence par l'achat d'un énième livre sur le pain au levain - faut dire qu'on est immodérément excessif en la matière. Ce livre s'appelle Sourdough (levain, donc) dans sa version anglaise et Surteig dans sa version originale allemande.



Martina Goernemann, l'auteur, bloggeuse lifestyle, part à la rencontre de femmes et d'hommes à travers le monde, son levain sous le bras. De ces rencontres naissent de jolis et - souvent - émouvants portraits et... des pains au levain (issu du sien, de levain)! Super agréable à lire, outre ces portraits, le bouquin est parsemé de petits trucs et d'info sur la confection du pain au levain et sur la boulange plus généralement.

J'en arrive à ce pain qui n'aurait jamais du être là. Il est issu de ce livre. Une recette assez anodine m'a mis la puce à l'oreille. Le première du livre. 


10g de levain seulement pour 700g de farine... je mets toujours 1/5 à 1/3 du poids de la farine... une erreur peut-être... bon, je fais quoi... bah, j'essaie!

Je lance donc ce préferment au 10g de levain la veille en début de soirée et, avant de me coucher, sceptique à la vue de cette pâte amorphe, prépare une pâte pour les baguettes qui remplaceront ce pain certainement raté.
Au réveil, je soulève le torchon du pain certainement raté et une lueur d'espoir jaillit quand je vois le préferment largement plus volumineux que la veille. Le pain passe à ce moment du stade de "certainement raté" à "qui pourrait marcher". Bon, je poursuis la recette donc avec le reste des ingrédients mais avance également mes bonnes vieilles baguettes, ma sécurité.
Arrive l'heure de la cuisson. Les baguettes sont façonnées et prêtes à être enfournées et l'autre est carrément passé du stade "qui pourrait marcher" au stade "tout beau" et bon pour la cuisson itou. J'en reviens pas. Premier miracle, un pâton est né de ces 10g de levain... 


J'enfourne donc mes baguettes qui ont besoin d'un timing plus serré. Je les défourne, belles, sans problème. J'enchaîne avec le pain né de rien le coeur léger et plein d'espoir. Hop, au four. Et là, après 2min à peine, le four s'éteint. Damned! Surchauffe. Je m'effondre, regarde ma douce et joue le tout pour le tout. Maniques à la main, je sors le pain à peine saisi et sa pierre à pain à 250°, me rue dans les escaliers, sonne chez le seul voisin que nous connaissons, Roberto - italien tiré à 4 épingles 24h/7j. Il est là, m'ouvre sa porte et celle de son four froid comme un hiver norvégien... j'y glisse le pain sans oublier de me prosterner devant l'homme providentiel et regagne notre appart déconfit mais satisfait d'avoir fait le maximum pour sauver mon pain. Entre temps, notre four avez refroidi et refonctionnait parfaitement bien, grrrr.
Une heure passe, je retourne voir le voisin une baguette sous le bras pour le remercier et récupérer ce pain qui avait magnifiquement survécu à tout ça... Roberto dit alors "I would buy it". 


Fier comme un coq, je remonte les escaliers, accompagné de mon garçon et de ce pain qui n'aurait jamais du être là, prêt à être dévoré! Ce n'était pas le plus beau, ni le mieux cuit, mais il avait magnifiquement survécu et transcendé son destin!


Au passage, voici ça recette - traduction.

Pour le préferment - à mélanger la veille au soir:
  • 170g de farine de seigle
  • 130g d'eau
  • ... et 10g de levain donc
Pour la pâte - à mélanger au préferment au petit matin:
  • 190g de farine de seigle
  • 350g de farine de blé
  • 320g d'eau
  • 15g de sel
  • pas de levure dans mon cas, elle explique que c'est facultatif
Après, c'est du classique:
  • 10min de pétrissage
  • pointage d'1-2h à température ambiante
  • façonnage en boule et mise en banneton fariné et agrémenté de sésame dans mon cas
  • 2h d'apprêt
  • ... et au four, si tout s'était bien passé, j'aurais mis 10min à 250° et 40min à 180°
Petit détail, pour le souvenir, pour mon souvenir, ce pain a été réalisé avec une variété scandinave de seigle, svedjerug; des grains de seigle cultivés par des Finlandais sur des terres brulées (forêts et champs) limitrophes entre Norvège et Suède au XVIIème siècle. Quelques grains ont été retrouvés dans les années 70 dans un ancien silo puis re-cultivés jusqu'à aujourd'hui.

C'était l'histoire d'un pain...

With amor fati... and sourdough
Matthieu

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